À la mention répétée de « la Journée de la femme », l’infirmière camerounaise, maintenant travailleuse du réseau de la santé au Saguenay–Lac-Saint-Jean interrompt gentiment la discussion pour rappeler qu’il s’agit de la Journée internationale des DROITS de la femme… donnant le ton à un échange sympathique et sincère, qui aurait sans doute pu durer des heures.
Arrivée le 16 septembre 2022, Biverline Lakouji Koumtouzi relate non seulement le long processus d’obtention de sa licence au Cameroun, similaire au baccalauréat canadien en soins infirmiers, mais aussi celui qui l’a conduite au Canada, plus précisément au Québec. L’endroit qu’elle appelle chez nous, dont la consonnance est davantage comme un doux « che nous », l’a d’abord formée comme infirmière, mais c’est le Québec, nouvelle terre d’accueil, qui la forge maintenant comme femme ouverte et ambitieuse.
Mais revenons à ce qu’elle appelle une vocation. Toute jeune, elle habite également avec sa grand-mère maternelle, souffrante du cœur. Elle se souvient des soins, tout naturellement prodigués, du plaisir à s’enquérir de l’horaire de sa prise de médicaments, de marches prises dans le quartier pour passer le temps, l’occuper, ou plutôt l’enjoliver. Biverline se souvient de cet éveil, bien conscient, à une volonté toute particulière, par de petits gestes, d’être là pour les autres. Plus tard, lors de ses études, la formation d’infirmière lui semble la voie la plus juste et noble, toute profession confondue, si elle veut réaliser ce souhait d’aider et d’accompagner. Elle raconte que « la profession d’infirmière est celle qui te donne un accès global au patient; on donne des soins, on entend leur histoire, des vécus. Tant que cette envie d’aider l’autre est présente et palpable, vraie, l’autre s’ouvrira à toi. Plus cette ouverture est présente, meilleurs seront les soins. ».
À cet effet, la discussion tourne. C’est alors qu’elle évoque que l’écoute, l’attention et l’empathie savent soigner aussi.
« C’est mon métier idéal. ». Sans équivoque, elle le redira plusieurs fois.
Puis, est évoquée la femme. Biverline parle d’elles, et d’elle-même, comme d’une énergie. « Je dis toujours que la femme est une énergie, une énergie réparatrice, il n’y a donc rien de plus beau qu’une infirmière, auprès d’un patient, ou qui borde un bébé. » Son métier revêt une notion très maternelle à ses yeux.
Suivant le cours des choses, des sujets, des femmes, de leurs droits, de sa vision, celle qui discute, le regard bienveillant et amusé, lance : le faciès d’un homme est bien différent de celui d’une femme, mais elle a tous les droits et peut faire ce qu’un homme peut faire. Elle dit souhaiter que l’homme soit toujours celui avec un grand H, le même que celui de l’Humain.
Depuis son arrivée, Biverline remarque quelques disparités, quant à la vie, mais aussi à son métier. Notamment, celles d’une médecine plus holistique au Cameroun, ou peut-être plus intuitive. Elle note des protocoles plus cadrés ici, sans manquer de noter qu’elle s’y adapte aisément. Elle souligne : « ça n’était écrit nulle part, mais on a essayé, puis… on Depuis son arrivée, Biverline remarque quelques disparités, quant à la vie, mais aussi à son métier. Notamment, celles d’une médecine plus holistique au Cameroun, ou peut-être plus intuitive. Elle note des protocoles plus cadrés ici, sans manquer de noter qu’elle s’y adapte aisément. C’est ce savoir et cette culture qu’elle souhaite constituer une richesse apportée avec elle. « La richesse de l’immigration est bilatérale; être accueilli si gentiment ne donne qu’envie, nous aussi, d’amener ce que l’on a de mieux à offrir, pourquoi ne pas en profiter! ».
Il y a la femme, sa profession, son arrivée, des parcelles de vie virevoltent et atterrissent au pied de ses rêves.
Elle parle d’abord de ses filles. On lui demande si sa famille s’adapte tout aussi bien. Elle réplique : mes filles sont encore bébés, mais elles ne se plaignent pas, puis elle rit. Elle souligne l’apport considérable des gens à son arrivée, de meuElle parle d’abord de ses filles. On lui demande si sa famille s’adapte tout aussi bien. Elle réplique : mes filles sont encore toutes petites, mais elles ne se plaignent pas, puis elle rit. Elle souligne l’apport considérable des gens à son arrivée, de meubles et de vêtements donnés, à eux, qui ne connaissent l’hiver ni d’Ève ni d’Adam. D’une place en garderie obtenue grâce au CIUSSS, permettant ainsi à ses filles d’interagir avec d’autres enfants et ainsi faciliter leur intégration, de la grande disponibilité de plusieurs membres de son nouvel environnement professionnel, de l’accompagnement d’organismes tels que Porte ouvertes sur le Lac; autant de mains tendues nommées avec émotion.
On discute de culture, de sa volonté de ne pas la délaisser.
C’est là qu’elle martèle, avec gaité et ferveur, qu’elle est ouverte, « pour s’adapter, on doit trouver l’équilibre, se fondre à l’environnement, l’apprécier et le connaître, tout en tentant de conserver certains goûts, une couleur, des racines. On ne doit pas se définir par l’endroit où l’on se trouve. ».
Avait-on oublié les rêves? Bien sûr que non.
« Je suis une grande rêveuse ». Ça commençait plutôt bien.
Elle dit alors rêver tout le temps, de paysages à couper le souffle, mais surtout « de se surprendre elle-même », de se dépasser, d’être fière d’elle.
Surtout, d’avoir assez d’amour à donner dans le cadre de sa profession, à un enfant, un patient, et d’avoir la capacité à lui faire aimer la vie. Silence. Elle réfléchit.
Puis elle reprend. « Il y a des états, parfois, qui laissent entrevoir qu’il n’est plus possible d’aimer la vie, mais il n’est jamais trop tard. ».
On reprend la route des rêves. Biverline raconte donc qu’elle souhaite ardemment laisser une marque dans la profession d’infirmière au Québec. Elle cite Jean Watson et Virginia Henderson, toutes deux pionnières du domaine des soins infirmiers, créatrices de nouveaux modèles, soulignant qu’elle aimerait que son nom soit parmi ceux et celles qui ont apporté plus, ont innové. « Pourquoi pas? », dit-elle tout sourire. Puis, elle termine en disant : ce n’est que le début!